lundi 22 juin 2009

Chroniques de Turquie. 22h30, les gendarmes frappent à la porte.

Je suis épuisée. Nous avons dîné, bu un tchaï et je n’ai qu’une envie, aller me coucher, quand soudain, 22h30, les gendarmes frappent à la porte. Nous sommes à Lokmanli, chez Mustapha. Celui-ci a offert l’hospitalité à Antoine quelques heures auparavant, tandis que je rentrais du marché, en pleurs. Reprenons.

Vers 18h, après une longue journée de vélo, nous trouvons un endroit en pleine nature où passer la nuit, près d’un village. Nous sommes au milieu de terrains cultivés, au bord d’une rivière. Le vent souffle dans les peupliers. Après avoir demandé la permission aux agriculteurs, nous posons les vélos, décrochons les sacs et plantons la tente. Nous avons de quoi dîner, mais rien à boire. Spontanément, je propose à Antoine de reprendre le vélo et de partir en quête d’une bière pour accompagner notre dîner. Et dire que je pensais faire seulement 2 kilomètres! Me voilà donc de nouveau sur la route, 20kg en moins sur le porte-bagages. Je m’arrête dans une première station-service. Rien. Au deuxième magasin, le vendeur refuse catégoriquement de vendre une bière –va savoir, parfois… Je finis donc pas rentrer dans la ville que nous avions traversée une heure auparavant. J’achète une bière dans un petit commerce de proximité. Satisfaite, je reprends la route en sens inverse. Mes cuisses sont douloureuses. Je suis épuisée. Je pédale tranquillement. La nature autour est superbe. Je croise tour à tour vaches, ânes, moutons. À quelques centaines de mètres de notre campement, deux kangals[1] jaillissent sur la route. J’accélère… En vain. Ils me rattrapent, ne cessant d’aboyer. Je panique et accélère de nouveau. Rien ne les arrête. J’entends leurs mâchoires terrifiantes claquer à proximité de mes mollets appétissants. Je finis par hurler de peur, perdant le contrôle de mon vélo. Ils prennent peur à leur tour et me laissent filer, tremblante et suffocante. Je rejoints Antoine péniblement et m’effondre dans ses bras, en pleurs. Un homme se tient debout près de nous et assiste à la scène, surpris. Il s’appelle Mustapha. Antoine a fait sa connaissance quelques minutes plus tôt et s’est vu offrir l’hospitalité. Rassurés de ne pas passer la nuit dehors à l’affût des chiens, nous démontons la tente et le suivons jusque chez lui, à un kilomètre de là. Tout juste installés à déguster un tchaï, le muhtar arrive. Représentant élu du village, celui-ci veille à la sécurité de ses habitants. Hébergeant des étrangers, Mustapha l’a appelé afin qu’il nous rencontre, évitant ainsi que l’on parle derrière son dos après notre départ. Nous dînons tous les quatre, l’épouse de Mustapha s’affairant en cuisine. Le muhtar fait venir son fils d’une dizaine d’années qui parle quelques mots d’anglais et qui, un dictionnaire à la main, se plait à jouer le rôle d’interprète. Le dîner terminé, on entend frapper à la porte. Mustapha se lève, surpris, regarde par la fenêtre du haut du premier étage puis descend ouvrir. Nos hôtes nous prient de passer au salon. Ce sont les gendarmes. Ils sont au nombre de deux. Le premier, gradé, s’en tient à l’exercice formel de contrôle de nos identités. Le second, jeune turc effectuant son service militaire, nous rassure sur la raison de leur venue dans un anglais parfait. Ils prennent quelques notes : noms, prénoms, numéros de passeport, d’où nous venons, où nous allons, comment nous voyageons. Ils nous prennent en photo –pour leur album souvenir ?- et repartent. Il se fait tard. Je m’écroule sur le lit et m’endors, secouée par cette interminable journée. Tôt le lendemain, nous nous réveillons, petit déjeunons et chevauchons nos vélos. Mustapha insiste pour nous accompagner en voiture jusqu’à la sortie du village. Il demande même à un de ses amis de nous suivre en mobylette sur quelques kilomètres. C’est donc escortés d’une voiture à l’avant et d’une mobylette à l’arrière que nous quittons Lokmanli, vers 11h.



[1] Chien de berger.

4 commentaires:

Unknown a dit…

Aïe ma pauvre !
Sales clebs !

Je viens de lire d'une traite tes chroniques de Turquie. Je les trouve absolument superbes. Sur le fond et la forme. Je ne peux que t'encourager à continuer et a garder le rythme que tu semble initier.

Les journées d'un cyclotouriste en Turquie ne sont manifestement pas de tout repos. Une pensée pour vos petits mollets, qu'ils ne prennent pas le dessus sur le moral !

Je vous embrasse.

Anonyme a dit…

j'avais pris du retard dans la lecture. Merci d'avoir tant écrit, on s'y croirait.
Bise à vous deux et bon courage, l'an prochain vous devriez être prêts pour le tour de France. AL

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

Salut les loulous!
Eh ben, que d'aventures! Il est de plus en plus agréable de vous lire...très belle prose!

Courage
Pensées
et bises
Nora