Nous venons tout juste d obtenir nos visas ouzbeks, a Teheran. C est donc nos visas en poche que nous partons pour Mashad, au nord-est de l Iran, a quelques centaines de kilometres du Turkmenistan, pour demander notre visa de transit turkmene. Des on-dits -relates par des voyageurs rencontres sur la route- nous dissuadent de formuler notre demande a Teheran ou nombreux sont ceux qui essuient des refus ces derniers temps. Nous prenons donc un bus pour Mashad. 14 heures de bus. Celui-ci n est pas d un confort cinq etoiles. Nous partons de Teheran vers 17h. La sortie de cette capitale tentaculaire s avere etre le parcours du combattant. La circulation est chaotique. On dira ce qu on veut, les conducteurs teheranais sont un peu fous; sans meme regarder dans leur retroviseurs, ceux-ci se faufilent entre les voitures, creant une troisieme voie imaginaire, voire une quatrieme, la ou il n en existe que deux. A toute berzingue ils s elancent sur les avenues, peu soucieux du danger qui les guete au coin de chaque rue. Apres avoir quitte la ville, nous parcourons une vallee aux nuances ocres et rouilles. Le soleil disparait doucement derriere les montagnes. Bientot, il fera nuit noire. J ai faim. Nous n avons pour ainsi dire rien avale de la journee et je suis affamee. Nos voisins de fauteuils situes de l autre cote de l allee, deux freres, sortent deux gigantesques casse-croutes de leurs sacs qui me font saliver. Je les observe les devorer avec envie, tandis qu Antoine et moi partageons nos derniers gateaux secs. Quelques heures plus tard, a mon grand bonheur, nous nous arretons. Les femmes se precipitent aux toilettes. Il me faudra jouer des coudes devant ceux-ci pour pouvoir me soulager aussi. Quelques familles deplient des tapis et s installent pour diner dehors. Antoine et moi courons vers le restaurant, sorte de relais routier ou la nourriture est familiale et bon marche. Deux khoreshts (ragout de viande et legumes servi avec du riz) s il vous plait. Cinq minutes plus tard, nous devorons a notre tour un diner servi dans une petite barquette individuelle en plastique. Nous remontons dans le bus et nous endormons paisiblement. Le lendemain matin, des l aube, nous arrivons a Mashad. Nos deux voisins de fauteuils nous abordent a le descente du bus, nous demandent ou nous logeons. Nous leur indiquons notre point de chute, un petit hotel recommande par notre guide de tourisme. Leur pere, qui les attendait de pied ferme a la gare routiere, leur glisse un mot en farsi. Immediatement apres, ils nous convient chez eux. Nous acceptons l invitation. Arrives chez nos hotes, leur mere, qui ne porte pas le voile islamique quand nous passons le pas de la porte, m invite rapidement a enlever le mien. Soulagement. Nous nous installons autour d un petit dejeuner. Tchai, pain, beurre, miel, confiture, fromage. Qu il est bon de se retrouver dans un environnement familial! Le petit dejeuner termine, nous remontons dans la voiture et nous dirigeons vers l ambassade du Turkmenistan. Celle-ci ouvre a 10h30. A 10h32, le clapet d une petite porte s ouvre. Monsieur le consul se tient de l autre cote. Le temps d echanger quelques mots en anglais, quelques documents adminitratifs et quelques sourires -jusqu ici, cette technique a toujours porte ces fruits- et nous repartons direction la maison pour le dejeuner. Leur mere, a qui nous avons confie quelques heures auparavant notre faiblesse pour certains mets iraniens, nous a prepare un succulent ghorme sabzi (ragout de viande, haricots rouges et legumes verts). Elle nous invite a nous asseoir autour de la table et a nous servir. A l inverse de chez nous, l hote ne preside jamais la table. Il s agite en cuisine pour veiller a ce qu il ne manque rien sur la table et ne s assied pas tant que ses invites sont debouts. Le dejeuner termine, chacun s en va siester. Je m ecroule sur le lit, bienheureuse. Nous nous reveillons quelques heures plus tard, reposes. Le temps de nous rendre au mosaulee de Ferdosi, celebre poete farsi ne au 10eme siecle qui relate dans ses poemes l histoire de la mythologie Perse, des origines a la conquete arabe, et nous voila a nouveau a table. Rebelote. Gueuleton. Vers 22h, nous nous preparons pour nous rendre au mosaulee de l Imam Reza (descendant direct du prophete Mohomet, il est le 8eme des 12 Imams chiites reconnus par les musulmans chiites; seuls les Imams sont habilites a interpreter le Coran), haut lieu de pelerinage pour les musulmans chiites du monde entier. Antoine s est vu preter une chemise. Il a l air d un premier de la classe. Pour ma part, la mere me tend un tchador. Dans ce lieu saint de l islam, les femmes ne rentrent pas sans tchador. Me voila bien embarrassee. Je n ai pas la moindre idee de comment l enfiler. Elle me montre. Je l imite. Dans un premier temps, il ne me semble pas inconfortable -quelques heures plus tard, je n aurai q un souhait, retirer ce tissu noir qui m emprisonne, me prive de ma liberte de mouvement et me tient horriblement chaud! Nous voila en voiture, en direction du mosaulee. Il est tard mais la rue est embouteillee. Tout Mashad semble s y rendre. Nous nous garons au milieu d un parking souterrain plein a craquer et rejoignons l enceinte sacree. 75 hectares. C est la surface de cet ensemble, joyaux d architecture persane. Sompteux. Mosquees, minarets, coupoles, madraseh, cours ornees de faillences representant des calligraphies et des motifs floraux. De hauts iwans (hall donnant sur une cour) recouverts d or. Nous sommes ebahis par tant de luxe et de raffinement. A l inverse, les pelerins semblent accorder peu d importance a la beaute du lieu. Ceux-ci viennent avant tout pleurer la mort en martyr de l Imam. Le mosaulee de celui-ci se situe au centre, entoure par des grilles dorees que les pelerins viennent toucher et embrasser avec devotion. J apercois des hommes et des femmes en pleurs. Ceux-ci se bousculent pour approcher le mosaulee. J interroge mes hotes. Qui a edifie ce lieu? Avec quel argent? Ils nous expliquent. Le tombeau original est bati au debut du 9eme siecle par un calife. Detruit a plusieurs reprises, le monument actuel est finalement construit sur l ordre de Shad Abbas au debut du 17eme. Depuis 1928, les batiments autour du mosaulee sont rases les uns apres les autres afin d etendre la surface de ce lieu saint. Les travaux se poursuivent sans interruption grace a l afflux de fonds publics et prives (issus de donations et de concessions funeraires) geres par le biais d une fondation -un veritable empire en Iran. Nous repartons, silencieux. Comme les autres lieux saints que j ai pu visiter -le Vatican, Saint Jacques de Compostelle- je reste perplexe, songeuse.
lundi 10 août 2009
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3 commentaires:
Quel texte fascinant de fluidité et de contenu evidement !! Vous nous manquez mais comme vous assurez... :) rien à dire !
je vous embrasse fort continuez à prendre soin de vous
Estelle
coucou vous deux,
ca fait tant de plaisir de lire comment et où vous déplorez le monde(islamique dans ce cas)...et c'est bien de lire que vous avez passe toutes les emeutes politiques et sociaux en iran sans problemes!!! Ici, on va bien en allemagne entre berlin et la mer baltique et bientot la france de nouveau...
Nous pensons à vous et nous vous souhaitons une bonne journée, n'importe où vous etes:)
Bella et Felix
Bonjour,
Je viens juste de revevoir un article de presse écrit par Elisabeth Badenter sur le port de la Burqa et en prenant de vos nouvelles je tombe sur votre dernier message. Quelle coincidence !
Vos récits sont toujours aussi captivants.Merci de faire partager tout cela à ceux qui n'ont pas la chance de voyager. Continuez mais prenez soin de vous. Je vous embrasse.
Carole C.
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